Chut. Pas de marques.

Pendant des décennies, l'industrie tabagière a conditionné des générations d'hommes et de femmes en associant à l'addiction nicotinique la liberté des grands espaces.

Une addiction rendant plus libre ; curieux, n'est-ce pas ?

Mais est-ce vraiment si étonnant ?

 

Madame la Ministre, j'ai tendance à penser qu'il ne faudrait pas autoriser l'industrie pharmaceutique à démarcher de manière directe ou indirecte auprès des praticiens en exercice ou en formation.

Directe par l'intermédiaire de ce qu'on nomme communément les visiteurs médicaux.

Indirecte par l'intermédiaire des médias médicaux sponsorisés par l'industrie pharmaceutique.

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Parce que c'est une violation directe du droit du patient à pouvoir accéder à une égale qualité de soins sur l'ensemble du territoire médical, dans un contexte où les stratégies thérapeutiques sont rendues caduques par les différents degrés d'influence qu'exerce l'industrie pharmaceutique sur la profession médicale.

Parce que c'est altérer l'intégrité du corps du patient que de l’assujettir à de fausses découvertes thérapeutiques non éprouvées, déguisées et vendues dans une mélasse d'arguments d'autorité et d'idées reçues.

Parce que c'est tromper la confiance du patient que de le soumettre à des molécules qui ont pour seul intérêt, sinon modifier significativement des critères intermédiaires, la rentabilité d'un symptôme ou d'un syndrome.

Parce que le patient est en droit d'exiger des soins éprouvés par une communauté scientifique indépendante.

Parce que le patient qui n'est pas intellectuellement en mesure d'exiger des soins éprouvés par une communauté scientifique indépendante doit pouvoir porter une confiance sans faille à son praticien.

Parce que praticien est en devoir de proposer des soins éprouvés par une communauté scientifique indépendante, soins où les effets de chaque traitement se doivent être mis en balance : bénéfices, et risques.

Parce que traiter un patient n'est pas faire un tour au supermarché avec dans la main les prospectus des dernières nouveautés achalandées.

Parce qu'un patient n'est pas un organe cible.

Parce qu'un patient n'est pas une rhinite ou une démence.

Parce que la visite médicale n'est pas une visite d'informations.

Parce que la visite médicale est avant tout une visite publicitaire et promotionnelle.

Parce que le produit pharmaceutique est maquillé, travesti, rentabilisant ainsi la courte tranche de présentation que lui offre l'exercice du praticien.

Parce que l'industrie pharmaceutique renforce l'hétéronomie médicale et l'aliénation d'une patientèle à son médecin.

Parce que design et stratégie esthétique.

Parce que graphismes soignés et slogans accrocheurs.

Parce que conditionnement.

Parce que la cible de la publicité n'est pas le patient, mais le praticien, et son pouvoir de prescription.

Parce que prescription signifie consommation, et consommation loi du marché.

Parce que le patient ne doit pas subir l'ambivalence du praticien quant à l'influence des visites médicales.

Parce que le visiteur médical est formé à convaincre, non à débattre.

Parce qu'avoir un bloc de post-it, un carnet de notes ou un stylo au nom ou à l'effigie d'une firme influence nécessairement le praticien qui signe l'ordonnance.

Parce que l'entretien de l'ambivalence des praticiens par les stratégies marketing de l'industrie pharmaceutique confine au crime, d'ordre intellectuel à l'égard du praticien et humain à l'égard du patient.

Parce que les résultats que présentent nombre de visiteurs médicaux sont des critères intermédiaires, sans aucune valeur pragmatique dans une pratique quotidienne de médecine générale.

Parce que les notions de morbidité et de mortalité, lorsqu'elles ne sont pas omises, sont bafouées.

Parce qu'on soigne dès-lors plus que des chiffres, faisant du praticien une cible commerciale plus marquée encore.

Parce qu'à la maladie se substitue progressivement le disease mongering.

Parce que l'industrie pharmaceutique a compris tout ça, et parce que l'industrie pharmaceutique est avant tout une entreprise qui se doit d'engendrer du bénéfice.

Parce que je crois l'industrie pharmaceutique vraie responsable des désastres sanitaires par ses tentatives répétées de rentabiliser des molécules non éprouvées en usant de stratégies commerciales publicitaires.

Parce que le patient est la première victime de ce système honteux et outrancier, où le praticien, riche d'une formation et d'une expérience inestimable, est bassement instrumentalisé à des fins commerciales.

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Madame la Ministre, et pour toutes ces raisons, je crois profondément qu'il ne faudrait pas autoriser l'industrie pharmaceutique à démarcher de manière directe (visiteurs médicaux) ou indirecte (médias médicaux sponsorisés) auprès des praticiens en exercice ou en formation.

Madame la Ministre, et pour toutes ces raisons, je crois, au nom du malade et de notre indépendance de prescription, que la visite médicale est une aberration déontologique qui se doit être mise à plat sur le plan politique.

 

 

 


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